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Vaisseau mère - nouvelle de Brian Kindregan


- Par SeR3NiTy - 15.01.2010 17:17 Edité le : 29.01.2010 15:28

Blizzard a mis à jour le site officiel de Starcraft 2 le 15 janvier 2010 et parmis les nouveautés ils ont ajoutés une nouvelle écrite par Brian T. Kindregan sur l'histoire du vaisseau mère. Nous vous proposons ici ce texte très intéressant en intégralité, bonne lecture !

 

Vaisseau mère - nouvelle Starcraft 2

 

 

Les Zergs seraient bientôt là. Ils éventraient la porte, les murs, le plafond. Erekul sentait les autres hauts templiers, ses frères et sœurs, se battre et mourir… Lui permettant de gagner de précieuses secondes. Il ferma les yeux ; il ressentait les pulsations du Khala. Les pensées et émotions collectives de son peuple n’étaient que terreur, chaos et souffrance.

Les Zergs avaient pris le contrôle d’Aïur, le précieux monde natal d’Erekul. Les envahisseurs pensaient probablement avoir le dessus ; ils ne savaient pas que le combat était loin d’être terminé. Dans la pièce sombre, Erekul se dirigea jusqu’à la console, les mains baignées d’une douce lueur bleutée. Il rentra les codes avec un calme serein. Derrière lui, les portes commencèrent à vibrer.

Aux frontières de l’espace connu par les Protoss, le signal fut reçu et enregistré. Des cristaux depuis longtemps endormis commencèrent à luire, des puits d’énergie s’ouvrirent. Et leur puissance afflua.

 

Erekul se retourna lorsque la porte finit par céder. Deux cadavres de hauts templiers volèrent dans la pièce et glissèrent le long du mur du fond. Une masse de chair marron et gris se déversa dans la pièce : de petits zerglings rapides, tout en gueule et en bave. Des hydralisks, de grandes créatures furieuses couvertes d’épines, les suivaient. Les yeux d’Erekul se mirent à luire d’un bleu glacial tandis qu’il penchait la tête pour emmagasiner de l’énergie psionique. Les Zergs se jetèrent sur lui en un furieux tourbillon de haine. Il ouvrit grand les bras, ouvrant les portes de son pouvoir. Les Zergs se tordirent de douleur, le corps brisé et disloqué. D’autres affluaient, bloquant la porte sous le nombre. Erekul rassembla son énergie psionique et cibla le plus imposant des hydralisks gluants, faisant exploser son cerveau. D’autres Zergs emplissaient la pièce, piétinant l’hydralisk vacillant dans un grondement. Ils encerclèrent Erekul. Ce dernier était épuisé ; il n’y aurait pas d’autre tempête psionique. Dans un cri mental mêlant rage et fierté, Erekul s’élança vers les Zergs, les attaquant à mains nues. Les dents et les épines lui déchirèrent la chair, les zerglings et les hydralisks le submergeant jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien de lui.

Juras ouvrit les yeux pour la première fois depuis des siècles. Les ingénieurs lui avaient dit que le réveil après une stase serait déplaisant… Ils avaient menti. C’était horrible. Sa peau, ses yeux, ses neurochordes : chaque partie de son corps le faisait souffrir. Il sortit en trébuchant de la chambre de réveil, protégeant ses yeux de la douce lueur de la passerelle du Moratun.

Il ne devait être réveillé que lorsque le vaisseau détecterait une vie intelligente. C’était un moment auquel Juras n’avait cessé de rêver depuis qu’il avait conçu cet énorme vaisseau. Un contact avec une intelligence alien rationnelle ouvrirait aux Protoss la porte d’un nouvel âge d’or et susciterait un renouveau de leur art et de leur culture. Et Juras en serait le témoin.

Il se déplaça avec précaution jusqu’à la console de contrôle principale et étudia les relevés. Le vaisseau se déplaçait, boucliers à pleine puissance et armes amorcées. Juras avait conçu les vaisseaux mères comme des vaisseaux d’exploration pacifiques, mais l’espace étant un endroit dangereux, les imposants vaisseaux étaient lourdement blindés et protégés par des boucliers. Ils possédaient également les armes les plus mortelles que les Protoss aient conçues. Juras s’était opposé à leur installation, mais la caste des Templiers avait insisté. Ces derniers avaient même converti certains vaisseaux en nefs de commandement dirigeant des flottes. Mais Juras avait conservé son précieux prototype, le Moratun, à des fins d’exploration.

Il était certain que les armes ne seraient jamais nécessaires. Impossible d’imaginer une race contrôlant le voyage interplanétaire à d’autres fins que le rapprochement entre les peuples, pour comprendre, partager et apprendre.

Et les Protoss ne devaient jamais répéter les erreurs du passé. Juras se récita ce mantra en pensées : « Les Protoss ne doivent jamais répéter les erreurs du passé ».

Il toucha la console. Dans un moment, il verrait apparaître la première communication d’une nouvelle espèce. Lorsque l’image apparut, il fronça les sourcils. Il s’agissait d’une transmission par rafale envoyée à tous les vaisseaux mères dormants : « Rentrez à la maison. Nous sommes perdus. »

La peur s’immisça dans l’esprit de Juras. Instinctivement, il tenta d’atteindre le Khala et se sentit rassuré à son contact ; son peuple se trouvait bien là, quelque part.

Il ferma les yeux, ne faisant plus qu’un avec son vaisseau tandis qu’il fendait l’obscurité. Bien qu’explorateur habitué à la solitude, il était heureux de se replonger dans l’étreinte douce et chaleureuse de son peuple. Il s’installa en position de méditation. Juras était inquiet de ce qu’il découvrirait à son arrivée, mais au-delà de ses appréhensions, la sérénité l’enveloppait. Son peuple et lui étaient les premiers-nés : ils avaient le Khala, et le Conclave. Ils pouvaient surmonter n’importe quel problème.

 

L’esprit de Juras errait, se plongeant dans les profondeurs de ses nombreux souvenirs. Il entendit les cris psioniques, vit un éclair lumineux. Les Kalathi s’étaient regroupés à l’aube, deux grandes armées prêtes à se détruire l’une et l’autre. Les chercheurs protoss avaient observé les jeunes espèces depuis une enceinte, protégés par leurs boucliers.

Juras entendit sa propre voix prononcer les paroles fatidiques : « Nous devons les arrêter, exécuteur. Ce ne sont que des enfants, utilisons notre arme pour les effrayer et les soumettre. Nous ne pouvons pas rester là à les regarder se détruire. »

Juras chancela. Il ne voulait pas se souvenir.

Il marchait dans une cité dévastée. Des blocs de pierre gisaient, les cadavres des Kalathi jonchaient le sol. Leurs os brisés saillaient en des angles improbables, la chair déchirée s’affaissant sur les corps des jeunes et des vieux, des hommes et des femmes. Tous morts. L’exécuteur avait effectivement utilisé une arme puissante en guise d’avertissement, mais les Kalathi ne s’étaient pas inclinés ; ils s’étaient retournés contre les chercheurs protoss. Les déchireurs sanguinaires kalathi s’étaient attaqués aux boucliers, hurlant leur soif de sang. Débordés par le nombre et encerclés, les Protoss avaient libéré la puissance de leur arme ultime ; et les Kalathi étaient morts. Cela avait été le point de non-retour. Dès lors, les Kalathi attaquèrent les Protoss dès qu’ils en eurent l’occasion. Une guerre ouverte éclata et les colosses furent déployés. Lorsque tout fut terminé, des centaines de milliers de Kalathi avaient succombé.

Après cela, Juras avait marché, seul, dans la grande cité des Kalathi, laissant les images de mort et de vies brisées prématurément s’imprimer dans son esprit. Il n’oublierait jamais : les Protoss avaient utilisé une arme terrifiante contre une autre espèce intelligente.

Une arme qu’il avait lui-même conçue.

Juras fut tiré de sa rêverie par un bip insistant. Le Moratun s’était transféré dans un système pour ajuster sa course et avait détecté un avant-poste protoss. Il était encore à une certaine distance d’Aïur, et il lui sembla que prendre à son bord des compatriotes qui l’aideraient à contrôler le vaisseau était une bonne idée. Il pouvait le piloter pour de simples transferts, mais toute autre tâche plus ardue nécessiterait un équipage.

Juras enclencha le contrôle manuel du vaisseau et le fit pénétrer dans l’atmosphère de la planète Samiku. Il était resté en stase pendant une très longue période ; les Protoss actuels seraient-ils très différents ?

Martul fit un bond. Des épines s’élançaient vers elle : un hydralisk. Elle pivota, ses neurochordes se déployèrent, et elle brandit ses lames, visant les entrailles de la créature. Les lames s’enfoncèrent dans la chair dans un éclair bleu, et un ichor violacé explosa autour de la Protoss. Elle mit un genou à terre, disparaissant sous les épines qui convergeaient vers elle de toutes parts, et virevolta vers la bête suivante. Tout autour d’elle, ses zélotes combattaient les Zergs implacables.

Ils ne pourraient pas tenir longtemps.

Martul et ses camarades avaient tous ressenti un changement dans le Khala, récemment. Une sensation étrange et troublante… Et maintenant, les renforts promis par Aïur se faisaient attendre. Cette combinaison de facteurs ne la rassurait pas. La planète perdue de Samiku n’offrait rien qui vaille la peine de se battre, et Martul aurait été heureuse de la quitter. Mais son souhait ne semblait pas près de se réaliser.

À sa gauche, Xulata s’écroula sous un flot de zerglings, tout en continuant de frapper et de découper les ennemis de ses lames. Les zerglings s’agglutinèrent et il disparut définitivement. Martul se redressa et étendit ses lames de chaque côté, tandis que deux zerglings bondissaient sur elle ; ils s’empalèrent sur ses lames et s’effondrèrent. Ses boucliers étaient en train de faiblir, comme l’indiquait l’étincelle révélatrice. Ils finiraient par céder.

Martul sentit une vibration sous ses pieds, et trois hydralisks surgirent du sol dans une pluie de boue, à quelques mètres d’elle. Elle releva ses lames et fit un pas en arrière. Les hydralisks prirent ce geste pour un mouvement de peur et se précipitèrent vers elle en claquant des mandibules. Ils ne virent pas les deux zélotes charger sur leur flanc. En un instant, les deux créatures gisaient par terre, leurs cadavres secoués de convulsions. Martul s’élança sur le dernier ennemi, sauta légèrement sur un bras aussi tranchant qu’une faux et se propulsa au-dessus de la gueule dégoulinante de l’hydralisk. Tandis qu’elle tournoyait au-dessus de sa tête, elle brandit ses lames vers le bas et découpa le crâne du Zerg en deux. Elle atterrit gracieusement derrière son adversaire en train de tomber… et s’effondra. Une longue et profonde entaille courait le long de sa jambe. Martul se remit difficilement sur pied, tandis qu’une vague de zerglings obscurcissait l’horizon.

L’air se refroidit soudain, et une ombre la recouvra. Le ciel était obstrué par un disque gigantesque assorti de trois ailes métalliques. Bleu et doré, il était protégé par l’aura brillante de ses boucliers, très reconnaissable. Martul connaissait chaque type de vaisseau et de véhicule protoss dont disposait l’armée, et celui-ci était en tout point différent. Il était bardé d’armes et se déplaçait lentement, pivotant dans un silence total.

 

Juras contemplait la scène avec horreur.

Les relevés décrivaient le carnage au sol avec beaucoup trop de précision. Des zélotes protoss étaient morts, éparpillés sur un champ de bataille dévasté. Un petit groupe s’était réuni sur une colline et combattait… une intelligence alien. Elle comptait des individus incroyablement variés, tellement variés que Juras en déduisit immédiatement qu’ils devaient assimiler d’autres espèces en leur sein. Plus important encore, il pouvait sentir leurs esprits. Une incroyable sensation de faim le submergea : un besoin de tout consommer et absorber. Ces êtres partageaient naturellement une conscience collective. Les créatures de la colline étaient des organismes simples qui devaient agir sous l’autorité d’une plus grande intelligence.

Mais ils se déplaçaient et se battaient sans instruction, s’en prenant autant aux leurs qu’aux Protoss. C’était comme si l’intelligence qui les guidait les avait abandonnés.

Il était évident que les Protoss avaient rencontré une autre intelligence pendant le sommeil de Juras. Et il en résultait un massacre.

Le sang et l’ichor se mélangeaient librement, des morceaux de chair et d’os surgissaient de la boue au milieu de gravats calcinés. De la lumière étincelait autant sur les boucliers protoss que sur les griffes des aliens. Une nouvelle fois, des armes protoss étaient utilisées contre une autre forme de vie intelligente.

Juras se revit marchant dans une cité déserte, croisant les cadavres brûlés des Kalathi.

Cela ne doit pas se reproduire.

Juras dirigea le vaisseau au-dessus du champ de bataille, le plongeant dans l’ombre. Un calme sinistre se répandit tandis que les combattants des deux factions levaient les yeux. Le silence régnait. Puis, l’accalmie prit fin, et les aliens reprirent soudainement le combat. Dans une brume d’angoisse, Juras ressentit les cris psioniques de chacun des zélotes qui périssait. Ces hurlements le poussèrent à agir : il utilisa son esprit pour entrer en contact avec les Protoss situés sous le vaisseau.

La réponse fut immédiate et tranchante : « Je suis le commandant Martul. Vous êtes Juras. Mais d’où venez-vous ? Et que faites-vous ici ?

— Je suis un scientifique, répondit-il. Comment en êtes-vous arrivés à utiliser la violence ? Ne pouvez-vous simplement éviter ces créatures ?

— Vous êtes fou ? Si vous avez des armes, utilisez-les !

— Les armes de ce vaisseau ne sont prévues que pour l’autodéfense.

— Nous sommes encerclés. Soit ce sont les Zergs… soit c’est nous. »

 

Juras se rendit compte qu’elle avait raison. Il ne pouvait pas laisser ses compatriotes mourir. Et les créatures aliens avaient été coupées de leur intelligence motrice ; mettre fin à leur vie serait peut-être miséricordieux. D’une main tremblante, Juras activa le cristal khaydarin du Moratun et pointa les rayons du purificateur sur ses cibles. Un bourdonnement emplit l’air du champ de bataille tandis que les molécules s’ionisaient. La lumière sembla s’évanouir avant de rayonner à pleine puissance sous le vaisseau.

De l’énergie pure se déversa sur le champ de bataille boueux et ensanglanté. Les Zergs se tordirent de douleur tandis que les rayons les déchiraient de toute part. Certaines créatures cessèrent tout simplement d’exister. Juras sentit la joie des zélotes qui voyaient leurs ennemis se désintégrer se mêler à sa propre honte.

Après avoir sécurisé un espace au sommet de la colline, il rapprocha le vaisseau et activa le rayon de téléportation à courte portée. Saisissant cette chance de s’enfuir, les zélotes se précipitèrent. Les aliens venaient de tous les côtés, déterminés à ne pas laisser s’échapper les Protoss piégés. Les zélotes se frayèrent un chemin à coups de lames, certains d’entre eux tombèrent au combat. Juras vit les Protoss atteindre la colonne de lumière bleue synonyme de sécurité. Lorsqu’ils s’étaient rapprochés du rayon de transfert, le camouflage du vaisseau mère les cachait à la vue de leurs ennemis.

Le jeune commandant des zélotes, Martul, atteignit la colonne en premier, mais resta à côté pour combattre les aliens enragés tandis que ses zélotes se précipitaient vers la lumière. Juras ne pouvait pas utiliser aussi près de son peuple les armes plus inhabituelles du Moratun, comme le vortex ou la faille temporelle, mais les rayons du purificateur maintenaient les aliens à distance.

Le dernier zélote atteignit le portail. Les poursuivants zergs le talonnaient. Martul en abattit deux. Le dernier zélote hésita, juste à l’extérieur de la zone de camouflage, prêt à l’aider. Un bras crochu l’attrapa et le tira en arrière, dans un tourbillon de chair zerg frémissante. Les lames de Martul tournoyèrent vers le bras, mais il était trop tard : le zélote était attiré dans la masse compacte des aliens.

Martul bondit après le zélote sans se soucier de ses blessures, en brandissant ses lames. Elle abattit trois, puis quatre ennemis. Mais les aliens étaient trop nombreux, et l’autre zélote disparut dans le chaos. Martul constata la mort de son camarade, puis décrivit un grand arc de cercle de ses armes et retourna d’un bond vers le champ de camouflage.

 

Martul remonta la passerelle en boitant.

« Il y en a d’autres en bas, fit-elle. Éliminez-les.

— Bienvenue, commandan », lui répondit Juras. Malgré la caresse rassurante du Khala, l’irritation habituelle qu’il connaissait au contact des autres s’était immédiatement ravivée.

« Ce n’était pas une requête » siffla Martul.

C’était le vaisseau de Juras. Il l’avait conçu et piloté. Il lui avait permis de sauver cette jeune personne, mais il ne la laisserait pas l’utiliser pour commettre un autre carnage. Si la zélote pensait le soumettre simplement par son rang militaire alors que lui était un scientifique, elle avait encore beaucoup de choses à apprendre.

Les yeux de la Protoss s’étrécirent lorsqu’elle sentit les sentiments de Juras sourdre en lui. « Ces choses ont tué mes guerriers, déclara-t-elle. Mes amis. Et vous avez le pouvoir de les détruire. Nous sommes en guerre !

— Je vous ai sauvée, commandant. Il faudra que vous vous en satisfassiez. Nous allons nous rendre sur Aïur, et je parlerai au Conclave. Nous devons en apprendre plus sur ces Zergs. Peut-être trouverons-nous un moyen de les éviter et de les laisser en paix.

— Il n’y a aucune paix possible.

— J’en parlerai au Conclave. ;»

Martul fit demi-tour et se dirigea vers la porte. « ;Retournons sur Aïur, dans ce cas. Je serai dans les quartiers de l’équipage en train d’étudier les plans de ce vaisseau.

— Ne pensez pas que vous pourrez prendre le contrôle du Moratun. Vous ne le connaîtrez jamais aussi bien que moi, et j’en répondrai devant le Conclave.

— Vous êtes resté trop longtemps éloigné de votre peuple, professeur. Vous avez succombé à la folie, lui répondit-elle.

— Lorsque nous avons détruit les Kalathi, nous avons pensé que nous avions bien fait. Nous croyions que nos objectifs étaient les meilleurs et que nous n’avions pas d’autre choix. Mais lorsque nous avons enfin compris que nous avions tort, il était trop tard. Une fois qu’une intelligence alien est détruite, nous ne pouvons pas la faire revenir. Aussi terribles que les Zergs puissent paraître, nous devons en apprendre davantage, nous devons les comprendre. Les enjeux sont bien trop élevés. »

Martul observa Juras pendant un instant, son regard exprimant colère et pitié. Puis elle se retourna et quitta la passerelle sans rien ajouter.

Le Moratun se transféra dans son système natal, au large de l’orbite d’Aleun, la planète la plus éloignée. La passerelle était grouillante de vie : des zélotes travaillaient sur les diverses stations et consoles, surveillant les niveaux d’énergie, les fluctuations cristallines et la préparation de l’armement.

Martul se tenait près de Juras. La tension était toujours palpable entre eux, déconcertant les autres Protoss. Il était clair pour Juras que l’univers était devenu un endroit plus dur, plus violent. Les Protoss avaient changé également, peut-être pour s’y adapter. La jeune zélote à ses côtés en était le parfait exemple. Peut-être que la présence de Juras aurait une influence stabilisante sur son peuple.

Martul commença à frissonner. Juras l’observa d’un air interrogateur.

« Aïur, murmura-t-elle. Aïur et le Khala. »

Juras avait ressenti la présence réconfortante du Khala dès son réveil. Mais si proche d’Aïur, elle aurait dû l’envelopper de la chaleur et du réconfort des milliards d’esprits protoss. Au lieu de cela, il le ressentait que le vide… Des centaines de milliers de Protoss étaient morts, et leur absence avait laissé un trou dans le Khala.

Juras se rendit compte qu’il tremblait également.

Sans réfléchir, il se tourna vers Martul et lui toucha l’épaule. C’était un geste d’une incroyable intimité, mais les Protoss étaient tous deux secoués par cette terrible découverte. Lors de ce contact, un phénomène rare se produisit : Juras pouvait voir en Martul comme s’ils étaient unis par le Khala. Il ressentait sa détermination à protéger son peuple coûte que coûte, sa compassion pour les alliés tombés au combat, sa colère contre les Zergs pour les souffrances qu’ils avaient infligées. Et sous-jacente à toutes ces émotions, l’aversion instinctive pour l’existence de l’Essaim dénué de raison. Finalement, Juras se retourna vers la console.

« Nous devons nous rendre sur Aïu », déclara-t-il, ressentant l’approbation muette de Martul et des autres Protoss. Il fit pénétrer le vaisseau dans le système et accéléra vers Aïur, son appréhension grandissant. À cette distance, la planète semblait paisible.

Martul boita jusqu’à la console d’armement et prit le contrôle de certaines des armes les plus exotiques du Moratun. Son regard croisa celui de Juras pendant un instant. La tension était réapparue : elle était prête à utiliser les armes de son vaisseau pour agresser les Zergs. Et il était prêt à l’en empêcher. Il devait préserver de l’espoir pour les aliens.

Ils pénétrèrent dans l’atmosphère d’Aïur et approchèrent de la couche nuageuse.

 

Les nuages éclatèrent lorsque des Zergs ailés en sortirent, formant une spirale cherchant à encercler le vaisseau. Des dévoreurs plongèrent, crachant leur acide corrosif, tandis que des mutalisks chargeaient les flancs du Moratun. Des dizaines de minuscules fléaux percutèrent les boucliers et explosèrent. D’autres mutalisks s’agglutinèrent, battant des ailes et ouvrant la gueule en tentant de trouver le meilleur angle d’attaque pour infliger encore plus de dégâts.

« Contact ! cria l’un des membres de l’équipage. Les boucliers déclinent plus vite que le cristal ne peut les régénérer. Nous devons détruire ces bêtes !

— C’est ce que nous allons faire, » répondit Martul, les mains voletant sur la console. Puis elle s’arrêta. « Les armes ne répondent pas. Juras, qu’est-ce qui ne va pas avec votre vaisseau ?

— Il fonctionne très bien, dit-il calmement, tout en guidant le vaisseau à travers les Zergs grouillants. J’ai désactivé les systèmes d’armement. Nous sommes ici pour découvrir ce qu’il est advenu de notre peuple et pour proposer notre assistance. Nous n’en savons pas suffisamment sur les Zergs pour les condamner tout simplement au génocide.

— J’avais raison, vous êtes devenu fou ! Ce fléau va détruire les boucliers, et les mutalisks et les dévoreurs seront sur votre précieux vaisseau en un rien de temps !

— Boucliers à quatre-vingts pour cent.

— Le Moratun peut encore subir beaucoup plus de dégâts et survivre. Nous sommes presque sous la couche nuageuse, » rétorqua Juras. Il accéléra, abandonnant quelques Zergs derrière lui. Une nouvelle escadrille de créatures en formation d’attaque plongea en contre-jour.

Juras vira aussi rapidement que possible. L’énorme vaisseau mère n’était pas conçu pour les manœuvres de combat, et les Zergs en profitaient largement.

« Boucliers à soixante pour cent.

— Débloquez les armes, Juras !

— Ma création ne sera pas utilisée pour commettre un génocide ! »

Des dizaines de créatures émergèrent des nuages pour les intercepter. Juras fit plonger le vaisseau à la verticale, mettant à rude épreuve les inhibiteurs d’inertie. Les zélotes durent s’agripper à leurs consoles pour ne pas être renversés.

Ils pénétrèrent dans la couche nuageuse inférieure et se heurtèrent à d’autres minuscules fléaux qui se cognaient au vaisseau, offrant leur vie pour infliger quelques dégâts supplémentaires.

« Boucliers à cinquante pour cent… Quarante ! »

Juras stabilisa le Moratun et reprit de la vitesse tout en perdant graduellement de l’altitude. « Nous sommes presque sous la couche nuageuse, » pensa-t-il. Il se raidit soudain en sentant une piqûre à l’arrière de la tête, à la jonction du crâne et des neurochordes. La surface réfléchissante de la console lui permit de voir Martul, qui se tenait très droite derrière lui, un bras tendu tenant une lame psi tout contre sa tête.

« Notre monde natal est attaqué par les Zergs, et nous allons les combattre, lui dit-elle froidement. Activez les systèmes d’armement.

— Non, commandant. Une autre solution doit être possible. »

Des Zergs de toutes formes et de toutes tailles les poursuivaient. Des dizaines d’autres descendaient sur eux pour les intercepter. D’autres encore arrivaient d’en-dessous.

« Boucliers à vingt pour cent.

— Je vais vous tuer.

— Dans ce cas, les systèmes d’armement seront définitivement verrouillés et vous nous aurez ramenés à l’époque de l’Éon de conflits. »

Ils quittèrent alors la couche nuageuse. La surface de leur terre natale se révéla sous leurs yeux.

Une masse bouillonnante de matière organique grise recouvrait le sol partout où se posait leur regard. Des protubérances dépassaient ici et là, signalant les restes de bâtiments autrefois majestueux : temples, maisons, universités. Forêts, lacs, montagnes, tout avait disparu. La matière veinée et palpitante avait tout recouvert. De minuscules créatures grouillaient, creusant ou émergeant sur la surface, se déplaçant sans réfléchir.

Martul avait tort ; leur monde ne subissait pas une attaque. Il était occupé.

« Boucliers à dix pour cent.

— Activez ces armes ! »

De nouvelles hordes de Zergs volaient vers le vaisseau, détruisant les boucliers pour atteindre la surface blindée protégée.

Le regard de Juras fut attiré vers la surface : une Protoss courait vers eux. Elle s’était probablement cachée avant de sortir de son abri en voyant le vaisseau, espérant être secourue. Juras diminua l’altitude de l’appareil en se dirigeant vers elle. Ses tatouages indiquaient qu’elle appartenait à la classe des khalai, probablement une artiste ou une artisane.

Les zerglings émergèrent du sol en bouillonnant autour d’elle, lui barrant la route. Juras accéléra, sachant qu’il n’arriverait pas à temps. Il poussa un cri d’horreur muet : cette Protoss ne représentait aucune menace pour les Zergs. Ce n’était pas une guerrière, ni un templier. Elle n’était probablement même pas capable de se défendre. Ils n’avaient pas besoin de la tuer. Cela ne leur rapporterait rien.

Ils se regroupèrent tout autour d’elle, et un jet de sang protoss jaillit de la masse grouillante de Zergs. Elle n’était plus.

Le temps ralentit alors pour Juras. Il ressentit l’insistance de ceux qui l’entouraient, les frémissements du vaisseau sous les attaques répétées et la lame de Martul pressant plus fort à l’arrière de sa tête. Mais tous ces évènements étaient déconnectés, comme si rien n’était aussi important que ce qu’il voyait sur sa console.

 
 
Les Zergs avaient tué un être en fuite, sans défense. Et ils avaient agi sans en tirer d’avantage ; ils devaient le faire car elle n’était pas un Zerg.

Juras avait toujours su que d’autres formes de vie intelligente pourraient être hostiles, qu’elles feraient peut-être passer leurs intérêts propres avant toute autre chose. Mais il croyait que derrière toute intelligence se trouve un guide, la compréhension d’un ensemble interconnecté. À ce moment-là, Juras comprit enfin. Les Zergs ne connaissaient pas l’empathie, ni les compromis. Tout ce qui n’était pas Zerg devait être détruit. L’intelligence pouvait prendre diverses formes, et celle-ci était à l’exact opposé de tout ce qu’il chérissait.

Celle-ci était son ennemie de toutes les façons possibles.

Juras activa les systèmes d’armement, y compris le vortex, la faille temporelle et le tunnel spatio-temporel, dont Martul ne connaissait probablement même pas l’existence. « Allez-y, rugit-il. Les systèmes sont connectés. Tuez-les. Tuez-les tous ! » Martul retourna vers sa console en vacillant, et tous les zélotes se mirent à faire ce qu’ils faisaient le mieux : se battre.

Juras guida le vaisseau à basse altitude pour que ses armes fauchent également les écœurantes créatures au sol. De la lumière et de l’énergie fusèrent du Moratun, dans toutes les directions. Et la pleine puissance du vaisseau mère fut enfin libérée. Les Zergs se tordirent de douleur, brûlèrent et explosèrent. Une pluie d’ichor zerg aspergea les boucliers du Moratun, la chair et les viscères des aliens dégoulinant le long du vaisseau.

« Les boucliers sont stabilisés.

— D’autres arrivent, signala un autre zélote.

Armements parés à tirer, répondit Martul.

— Prenez la passerelle, demanda Juras. J’ai autre chose à faire. » Il se déplaça sur une autre console et accéda aux relevés des scanners. Il remarqua que d’autres vaisseaux mères, ayant reçu la même transmission par rafale, commençaient à arriver. Ils restaient calmes et vides en bordure du système solaire. Mais ce n’est pas ce que cherchait Juras. Il balaya la surface à la recherche de vie. Il reçut un important nombre de données, mais il fit le tri pour ne trouver que des présences non zergs. Il devait y avoir des survivants qui se cachaient ou se battaient quelque part. Quelqu’un devait être capable de lui dire ce qu’il était advenu de son peuple. Juras les sauverait puis se retirerait. Aïur appartenait aux Zergs, maintenant.

Juras et Martul se trouvaient dans le centre médical. Le Moratun menait désormais une flotte de vaisseaux mères dans les ténèbres de l’espace. Les vaisseaux comptaient de maigres équipages : les premiers zélotes qu’il avait sauvés, ainsi que quelques survivants d’Aïur et un petit nombre de garnisons éloignées qu’ils avaient découvertes.

Ils furent quelque fois interceptés par des léviathans zergs, mais la flotte s’en débarrassa rapidement.

Un Protoss était allongé devant Martul et Juras, les yeux voilés par la douleur tandis que le centre médical s’employait à soigner ses nombreuses blessures. Lorsqu’ils l’avaient trouvé, ses pensées noyées dans la douleur leur avaient permis de deviner que les Protoss avaient fui Aïur. Mais il avait perdu connaissance avant qu’ils puissent entendre toute l’histoire. Les autres survivants qu’ils avaient découverts avaient entendu l’appel à l’évacuation, mais n’avaient pas pu atteindre la porte de transfert à temps ; ils n’avaient aucune idée de l’endroit où s’étaient réfugiés les Protoss. Juras était impatient d’interroger le blessé, mais Martul l’avait contraint à attendre que les relevés du centre médical indiquent qu’il se portait assez bien pour cela. Ce qui était enfin le cas.

« Je ne sais pas combien de temps j’ai... » Ses pensées étaient submergées par la douleur, embrumées. « J’étais souvent sous terre… Je pouvais… les entendre creuser. » Des images affluèrent de son esprit, lorsqu’il était caché dans des anfractuosités souterraines, passant des heures à épier le moindre grattement qui indiquerait que les Zergs étaient en train de creuser. Des heures cauchemardesques, à fuir dans l’obscurité, s’attendant à croiser des hydralisks à chaque tournant.

Juras dut s’écarter un moment, pour ne pas risquer de se retrouver prisonnier de cette spirale terrifiante.

« Tous les autres sont morts ? demanda Martul, d’un ton morne et sans espoir.

— Non… pas… partis… mais trop loin… » pensa le Protoss. Juras se pencha en avant avec une étincelle d’espoir. « Porte de transfert. Pendant l’invasion… Templiers noirs… » La voix du blessé faiblit. Juras et Martul échangèrent un regard ; les Templiers noirs étaient une ramification des Protoss, des renégats qui avaient fui Aïur il y a bien longtemps. Le blessé était-il victime d’hallucinations ? « Ils ont ouvert une porte de transfert vers… un autre monde.

— Quel monde ? demanda doucement Martul, touchant avec délicatesse l’esprit de son compatriote.

— Très loin.

— Où ? demanda Juras en se rapprochant, d’une voix plus pressante.

— Loin.

"Avez-vous senti quelque chose lorsque la porte de transfert s’est ouverte ? l’exhorta-t-il. Nous devons retrouver notre peuple.

— Je ne sais pas… »

Juras sentit la main de Martul sur son bras, le tirant en arrière. Il se retourna pour l’observer. Peut-être lui avait-il apporté un certain équilibre à sa vision du monde. Mais elle avait très certainement modifié aussi sa propre vision du monde.

Leur peuple vivait toujours, quelque part, loin d’ici… Juras et Martul mèneraient les vaisseaux mères dans l’obscurité de l’espace jusqu’à ce qu’ils le retrouvent, même si cela devait leur prendre des années.

Alors, Juras livrerait les vaisseaux mères aux Protoss, et les cuirassés sèmeraient mort et destruction parmi les Zergs. Les Protoss reprendraient ce qui leur appartenait.

Juras avait souhaité rencontrer une intelligence alien, afin de laver la honte de l’Ingérence de Kalath. Maintenant qu’il en avait rencontré une, son seul rêve était de l’anéantir.


FIN.

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