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Le goulot d'étranglement - nouvelle de Cameron Dayton


- Par SeR3NiTy - 06.03.2010 15:35 Edité le : 06.03.2010 16:16

Blizzard a mis à jour le site officiel de Starcraft 2 le 5 mars 2010 avec une nouvelle écrite par Cameron Dayton intitulée "Le goulot d'étranglement" qui raconte l'évolution des Zerg et la naissance des banelings (chancres). Nous vous proposons ici cette histoire très intéressante en intégralité, bonne lecture !

Le goulot d'étranglement - une nouvelle StarCraft 2 de Cameron Dayton


Données tactiques L45.967.22

Extraits des dossiers audio endommagés récupérés dans l’épave du croiseur Fureur de l’empereur (les fichiers holos étaient totalement irrécupérables).

Sujet : soldat Maren Ayers, Medic, médic, 128e section « les Clowns d’Acier »
Destinataires : capitaine Serl Gentry, Médecin, Département des Recherches spéciales


Capitaine Gentry :

    Asseyez-vous, soldat. J’imagine que vous êtes très énervée après ce qui vient de se passer.

Soldat Ayers :

    Énervée ? Ne soyez pas idiot, mon capitaine : ce n’était vraiment pas une surprise. La nature ne fait pas que s’adapter. La nature triche, elle change les règles, et elle se tire par la porte de derrière avec votre portefeuille pendant que vous êtes encore en train d’essayer de comprendre ce qui s’est passé.
 
Capitaine Gentry :

    Je ne suis pas sûr de vous suivre.
 
Soldat Ayers :

    Désolé, ce n’est pas de moi. C’est de mon père, le vénérable docteur Talen Ayers. C’était l’un de ses petits dictons bien à lui. C’est un chercheur généticien célèbre pour un tiers, et un péquenaud tout droit sorti de sa cambrousse pour les deux tiers restants. Il m’a toujours fichu la honte.

    Il balançait toujours ce proverbe à chaque fois que je me plaignais de résultats inattendus dans mes recherches. La force de l’habitude, je suppose.
    
Capitaine Gentry :

    Soldat, si nous pouvions commencer par le commencement...

Soldat Ayers :

    C’est comme la fois où toutes les mouches à vinaigre de mon groupe témoin ont décidé de se reproduire en devenant assez petites pour s’enfuir au travers des mailles du filet de leur bocal. Elles se sont répandues dans tous les autres habitats. Elles ont délibérément fichu en l’air trois mois de codage de protéines à longue chaîne. Enfin, pour moi, ça avait l’air délibéré.

    J’avais douze ans à l’époque, et je travaillais comme une damnée sur ma propre mutation de Drosophila melanogaster pour un projet scolaire. Papa s’est contenté de rire, et m’a conseillé d’utiliser des bocaux à confiture la prochaine fois. Le vieux saligaud... Ah ça, il n’avait pas de maxime toute prête quand j’ai quitté la fac pour m’engager dans les marines?

Capitaine Gentry :

    Soldat Ayers, si vous pouviez rester concentrée sur le problème actuel ?

Soldat Ayers :

    Désolé. C’était trop personnel ? Vous avez dit de commencer par le commencement, mais je suppose que vous n’êtes pas intéressé par mes petits problèmes familiaux. C’est juste que... Ça fait un sacré bout de temps que je n’ai pas pu parler avec quelqu’un qui avait un peu plus d’instruction que ce qu’on nous apprend au camp d’entraînement. Et qu’on a encore un sacré bout de chemin à faire avant de rejoindre l’espace civilisé.

Capitaine Gentry :

    (S’éclaircit la gorge).

Soldat Ayers :

    D’accord, je vais abréger.

Capitaine Gentry :

    S’il vous plaît.

Soldat Ayers :

    Il y a six mois, notre section se dirigeait vers un avant-poste de surveillance isolé, installé sur la face gelée d’Anselm. Nous devions prendre la place des pauvres gars qui avaient été affectés sur ce monde glacial durant l’année précédente. Nous venions de sortir du transfert dimensionnel pour entrer dans le système, et nous calculions le dernier saut, quand nous avons reçu un appel prioritaire de Korhal IV : tous les croiseurs de classe Minotaure étaient rappelés à la capitale afin d’être équipés pour les combats intra-atmosphériques.

    Les instructions étaient d’arrêter toutes les missions non vitales, de débarquer tous les passagers et toutes les cargaisons au poste de contrôle habitable le plus proche, et de se transférer vers le Q.G. à toute vitesse. La récupération serait assurée par des vaisseaux militaires secondaires, au moment où l’amirauté le jugerait approprié. Ça nous a calmés illico. Vous savez aussi bien que moi que le terme « habitable » est souvent utilisé de manière un peu élastique par le Dominion.

Capitaine Gentry :

    Des transferts inattendus font partie de la vie militaire, soldat.

Soldat Ayers :

    Ouais, mais bon, je crois que personne n’était content d’être mis sur la touche indéfiniment juste pour une amélioration de vaisseau.

    Notre ordi de navigation a calculé que le caillou le plus proche dans le système correspondant à ces critères était un monde minier désertique, à l’extrême limite de notre rayon d’action : Sorona. Vous l’avez vue, c’est une planète rouille orangée, avec un mince anneau d’astéroïdes qui surplombe son équateur. Comme un gamin obèse qui porte une petite ceinture toute crade.

Capitaine Gentry :

    (Rit, puis se reprend).

    Oui, j’ai vu Sorona.

Soldat Ayers :

    Bon. Cela faisait deux ans, à ce moment-là, que j’étais médic dans la 128e section. On s’était surnommé les Clowns d’Acier, et on était commandé par le lieutenant Travis Orran. Y’avait qu’une poignée d’hommes qui avaient déjà l’expérience du combat, et la plupart du temps, c’était juste pour des missions mineures de maintien de la paix. Ouais, on n’était pas vraiment les Diables du ciel, je sais. On n’envoie pas des héros de guerre monter la garde sur Anselm. Quand même, je n’pense pas qu’un seul d’entre nous croyait que ce contretemps temporaire allait devenir largement plus que temporaire.

    C’était il y a six mois. Six mois, doc !


Capitaine Gentry :

    Appelez-moi capitaine...

Soldat Ayers :

    De toute façon, y’avait pas de comité d’accueil sur le tarmac bouillant.

Capitaine Gentry :

    Cela arrive de temps en temps, soldat. Certaines petites colonies n’ont pas le personnel nécessaire pour gérer un spatioport vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Soldat Ayers :

    Ce n’était pas parce qu’on était arrivé pendant la pause repas, doc. L’endroit était complètement désert. Et depuis longtemps.

    Le plan du lieutenant était de récupérer tout le matériel qu’on pouvait transporter et de se traîner sur vingt-cinq bornes pour rejoindre l’avant-poste colonial le plus proche, un simple trou dans la terre appelé Cask. Là-bas, on aurait contacté le maire local et chercher un endroit confortable pour s’installer et attendre qu’on revienne nous chercher. Le lieutenant Orran avait plaisanté en disant qu’on pourrait peaufiner notre bronzage avant de se pointer à Anselm. Y’a eu quelques rires... Je pense qu’on essayait tous d’envisager le bon côté de la chose.

    Les Zergs ont mis fin à tout ça.

    (Cette phrase est suivie d’un long silence, et on entend Gentry remuer sur son siège).

Capitaine Gentry :

    Continuez, soldat.

Soldat Ayers :

    On était environ à huit kilomètres de la colonie quand le sol a juste... juste explosé tout autour de nous. Tout ce dont je me souviens, c’est d’un déferlement caquetant de griffes, de dents grinçantes, et de sang. Tant de sang... Les Zergs ont traversé notre section comme des poissons dans un océan écarlate. Le soldat Braden était juste devant moi, et je le regardais quand son bras a été arraché d’un seul coup, avec l’armure, les os, et tout... Il s’est effondré sous les coups de deux de ces créatures.

    Vous et moi, on sait qu’il n’y a plus d’activité zerg dans l’espace terran depuis des années. J’avais entendu parler de ces xénos, j’avais vu les vidéos quand j’ai fait mes classes. Mais rien ne peut vous préparer à la terreur animale pure qui vous frappe quand ces monstres attaquent. Leur vitesse. Leur sauvagerie. J’ai vu des centaines de Zergs depuis ce jour-là, mais cette première attaque me hante toujours. Elle me hantera à jamais.

    (Une autre pause assez longue).

Capitaine Gentry :

    Alors, comment avez-vous survécu à l’embuscade, soldat ?
 
Soldat Ayers :

    Eh bien, c’est le lieutenant qui n’a pas perdu la tête, et qui finalement a réussi à nous sortir de cette panique noire. Il a ordonné aux Clowns de laisser tomber leur barda, de se mettre en cercle et d’ouvrir le feu. Je me souviens encore de sa voix... Calme et égale, au milieu de tout ce chaos. C’est un bon chef. Un gars bien.

    Cinq marines étaient déjà réduits en bouillie sur le sable avant qu’on tire le premier coup de feu. Instinctivement, j’avais rengainé mon A-13 et je me dirigeais vers Braden en chargeant mon médi-kit quand le soldat Delme m’a attrapé et m’a crié de ne pas perdre mon temps. Elle avait raison. Les nanos ne peuvent pas grand-chose pour un marine dont les intestins ont été arrachés au travers de la cuirasse de son CMC.

    Ça a bien dû durer deux minutes avant que le lieutenant Orran ordonne le cessez-le-feu. La fumée a fini par se dissiper, et on restait immobile, complètement paralysés.
 
Capitaine Gentry :

    Paralysés ? Enfin, soldat... Tous les marines du Dominion sont entraînés dans l’éventualité d’une attaque zerg.
 
Soldat Ayers :

    Vous n’avez jamais participé à un combat contre les Zergs, hein, doc ?

    Notre section de soixante marines venait de perdre douze hommes, et trois autres allaient les rejoindre rapidement. Les Zergs nous avaient choppé par surprise, et tout l’entraînement du monde ne peut rien contre ça. Le pire de tout ? Après avoir vérifié et revérifié, on n’a pu récupérer que dix corps d’aliens. Dix xénos ! Une poignée de zerglings avait dégommé un quart de notre section en quelques minutes.

    Et on n’aurait jamais vu l’aube suivante si les colons n’avaient pas entendu nos tirs et n’étaient pas venus voir ce qui se passait. On a vu un nuage de poussière sur l’horizon, du rouge dans la lumière du soir. Le lieutenant nous a remis en formation, et on s’est préparé à une nouvelle attaque. Puis on a entendu le crachotement sympathique d’un gros moteur terran. Un véhicule minier, un gros chargeur à ce qui semblait, se dirigeait vers nous, et on a commencé à pousser des hourras.

    Mais les hourras se sont arrêtés quand on a mieux vu le véhicule.
 
Capitaine Gentry :

    Ce n’était pas ce à quoi vous vous attendiez ?
 
Soldat Ayers :

    Disons que le chargeur avait connu des jours meilleurs. Il y avait de profondes déchirures sur le châssis, par endroits, et les chenilles avaient été mordues jusqu’au cœur sur un côté. À l’avant du transport, il y avait deux crânes d’hydralisks, et les phares en PlastAcier brillaient assez sinistrement à travers leurs orbites vides. Ce n’était pas le carrosse qu’on espérait, mais au moins, il y avait de la place pour notre section dans la remorque à minerai cabossée. On est monté et on a essayé de ne pas faire attention à l’air désespéré des pékins... pardon, des civils... qui conduisaient l’engin. Apparemment, ils s’attendaient à trouver quelque chose de mieux que notre petite troupe hébétée.

    Ils nous ont raconté leur histoire sur le chemin du retour. Les Zergs ont d’abord attaqué les colonies isolées, huit mois auparavant, et puis ont fini par balayer toutes les installations terranes restantes. Oui, c’est ça... En huit mois. Les colons ont affirmé qu’ils envoyaient des appels au secours au Dominion, et à tous les spatioports à portée tous les jours, depuis la première attaque. Ils n’ont eu aucune réponse. Ils ont fini par croire que c’était la faute de leur station de comm’. Fichu moment pour qu’un fone tombe en rade, hein, doc ?
 
Capitaine Gentry :

    Mais comment une population civile de mineurs, dépourvue d’armes, a-t-elle réussi à survivre à un siège de huit mois contre l’un des ennemis les plus dangereux que l’humanité ait jamais rencontré ? Cela nous a intrigués.
 
Soldat Ayers :

    Par hasard, vous n’auriez pas jeté un coup d’œil aux vidéos de reconnaissance que vous avez faites quand vous avez finalement décidé de vous montrer ? S’ils ne l’ont pas encore fait, demandez à vos techs de sortir les plans de Cask.

    La colonie mérite bien son nom, elle ressemble à une espèce de casque. Elle est installée dans la forteresse naturelle la plus parfaite que j’aurai pu imaginer, un rêve d’architecte militaire. Cask est nichée dans les replis d’un canyon aux parois hautes et abruptes, qui se termine sous une arche rocheuse immense. L’arche fournit de l’ombre contre les rayons des soleils jumeaux de la planète, et surtout, elle protège la colonie de toutes les attaques aériennes, sauf peut-être d’un bombardement intensif. Un assaut terrestre doit obligatoirement emprunter un étranglement très étroit que les mineurs ont affectueusement surnommé le Goulot. La carrosserie de notre transport raclait les parois quand les mineurs ont ouvert les portes en PariAcier qui fermaient leur barricade improvisée pour nous laisser passer.

    Doc, les Zergs attaquaient le Goulot en masse depuis huit mois, tous les jours, et étaient repoussés par des pékins armés de fusils de chasse et de lasers miniers. C’était la première fois que j’entendais parler de pékins qui arrivaient à contenir un assaut zerg. Je pense que c’est pour ça qu’on a osé espérer mettre en place une tactique d’usure. Les Zergs ne pourraient pas continuer indéfiniment ce genre d’activité sur un monde pratiquement sans vie, n’est-ce pas ?
 
Capitaine Gentry :

    Je ne peux pas vous donner d’autres informations scientifiques sur les xénos que celles que vous avez eu le droit de voir dans vos vidéos d’entraînement, soldat. Veuillez continuer votre rapport.

Soldat Ayers :

    D’accord. Désolée.

    Donc, on a pris contact avec le chef local, qui devenait de plus en plus découragé quand on lui expliquait que non, nous ne faisions pas partie d’une troupe plus importante, et que non, nous ne savions pas du tout quand notre transport reviendrait. Le docteur de la colonie s’était suicidé un mois auparavant, et je me suis retrouvé rapidement inondé de civils malades et blessés.

    La malnutrition avait commencé à frapper quand les réserves ont manqué, et les pékins récupéraient ce qu’ils pouvaient dans des cultures hydroponiques en mauvais état. Ils récoltaient aussi une moisissure locale qui poussait sur les parois ombragées du canyon. Ce truc était acide, avait un goût de pâte et une étrange odeur poivrée. Mais il fournissait assez de protéines et de composés carboxyliques pour empêcher les gens de mourir de faim. L’acide avait bien attaqué l’émail de leurs dents, et j’ai passé beaucoup de temps à faire des extractions dentaires. Ce n’est pas à cela qu’on s’attend après une attaque de Zergs, je sais...

    La première vague de Zergs a frappé juste une heure après notre arrivée. Nous étions en train de décharger tout le matériel que nous avions apporté quand la sirène a beuglé. Entre les coups de sirène, j’entendais un bruissement qui devenait de plus en plus fort, et les parois du canyon semblaient frissonner. Le lieutenant nous a dit de tout lâcher et de prendre position sur le rempart sommaire que les pékins avaient construit.

    Tomber dans une embuscade de Zergs, c’est une chose. Mais quand on est préparé, barricadé et attentif, c’est très différent. Les premiers zerglings qui ont débouché devant le Goulot se sont retrouvés devant un tir croisé cinglant de trois douzaines de fusils C-14 et de huit lasers miniers. Une pluie d’ichor a repeint les parois du canyon, et la deuxième vague de créatures s’est précipitée sur nous, inondée des restes de leurs frères. Elles ont été abattues tout aussi rapidement.

    Les vingt minutes suivantes ont été ponctuées par les rafales régulières des fusils et les sifflements des Zergs agonisants. Au bout d’un moment, c’était évident que mes compétences de premiers soins n’allaient pas être utiles, alors j’ai rejoint le mur et j’ai commencé à tirer avec un C-7 qu’on m’avait prêté.

    Tirer. Faire de gros trous humides dans des zerglings. Les regarder se tortiller, tomber, et convulser avant de s’immobiliser. Au diable le serment d’Hippocrate, ça me faisait du bien.

Capitaine Gentry :

    Mmmh ?
 
Soldat Ayers :

    Ouais. Ça me faisait vraiment du bien. Balancer des pointes dans le corps de ces salopards de démons. Ils avaient tué tant de copains... Et être ainsi capable de tuer et tuer et tuer et...

    (Bruits de pleurs étouffés).
 
Capitaine Gentry :

    (Dans son micro-cravate) Ici Gentry. Je pense que je n’arriverai plus à en tirer grand-chose. Envoyez des médics et un brancard préparé pour...
 
Soldat Ayers :

    Non ! Non, ça va. J’ai juste besoin... juste besoin d’une minute.
 
Capitaine Gentry :

    (Toujours dans son micro) Attendez.
 
Soldat Ayers :

    (Renifle, puis prend une grande inspiration).

    Toutes mes excuses, mon capitaine. Pendant un moment, je me suis retrouvée là-bas et...

Artwork Baneling - Chancres


 
Capitaine Gentry :

    Reprenez-vous, soldat. Ce sont des informations dont le Dominion a besoin pour sauver des vies. Ne l’oubliez pas.
 
Soldat Ayers
:

    Sauver des vies ? Ha ! Je suis content que vous le présentiez comme ça, doc. Ça va rendre les choses plus faciles.

    Bon, alors ma section était coincée sur cette sale planète, et les Zergs nous attaquaient tous les jours. Réglés comme une horloge. On a tenu la ligne. Pendant des jours. Des semaines.

    On a appris à économiser les munitions, à compter sur les lasers miniers que les pékins avaient installé sur des plateformes bricolées au-dessus du rempart, pour refouler les xénos. Le Goulot semblait vraiment saboter l’offensive des Zergs : quel que soit le nombre de saletés griffues qui envahissaient le canyon, elles se rapprochaient juste assez près pour égratigner la barricade avant d’être descendues. En fait, on avait presque plus de boulot pour brûler les cadavres avec les lasers, quand l’attaque était terminée.

    Et puis c’est devenu une sorte de routine. Les attaques arrivaient à un moment indéterminé dans la journée, mais une seule fois par période de vingt-quatre heures. Ça commençait par quelques douzaines de zerglings, puis c’était la ruée : des centaines de ces choses qui se grimpaient dessus en de telles quantités que chaque tir perçait à chaque fois deux ou trois corps.
 
Capitaine Gentry :

    D’accord, soldat. Nous arrivons enfin aux informations importantes. Quelles formes prenaient ces attaques ? Vous n’étiez assaillis que par la variété la plus petite, les zerglings ?
 
Soldat Ayers :

    Oui. J’ai posé des questions sur les autres types de Zergs dont on m’avait parlé, les hydralisks, les ultralisks, les dévoreurs... Vous savez, toute la gamme de sales bêtes. Apparemment, ils avaient participé aux premiers assauts, puis leur nombre avait diminué alors que le siège se prolongeait.
 
Capitaine Gentry :

    Diminué ?
 
Soldat Ayers
:

    Diminué puis disparu entièrement. Les colons l’avaient noté comme l’un des changements importants alors que les mois passaient, et nous avons supposé que c’était un signe que la population zerg commençait à s’user et ne disposait plus que de ses armes les moins coûteuses.
 
Capitaine Gentry :

    Et vous pensez toujours que c’est ce qui s’est passé ?
 
Soldat Ayers :

    Non. J’aurai bien aimé comprendre à ce moment-là ce qui se passait vraiment.
 
Capitaine Gentry :

    Vous voulez bien m’expliquer ?
 
Soldat Ayers :

    J’y arrive. Vous devez entendre le reste pour bien comprendre.

    Les pékins étaient bien contents de nous avoir avec eux, et ils ont pris soin de bien nous approvisionner en eau du puits et en munitions, fabriquées à l’atelier de la colonie qu’ils avaient transformé. La nourriture et le matériel qu’on avait apporté nous ont pas mal aidés, et le soldat Hugues, doué pour la technologie, a vérifié le matériel de comm’. Tout marchait impeccablement : pour ce qu’il pouvait en dire, les messages avaient bien été transmis. C’est juste que personne ne répondait.

    (Une longue pause. Le capitaine Gentry s’éclaircit de nouveau la gorge).
 
Capitaine Gentry :

    Continuez.
 
Soldat Ayers :

    Ce n’est qu’après quelques semaines que mes soupçons ont commencé à s’éveiller.
 
Capitaine Gentry :

    À propos du système de communication ?
 
Soldat Ayers :

    Non, à propos des Zergs. Pourquoi aurai-je eu des soupçons sur la comm’ ? Je ne suis pas une techos. C’est les attaques zergs constantes et complètement inutiles qui ont fini par me faire réfléchir.

    Je me suis souvenue d’une discussion que j’avais eue avec mon père un jour, après l’une de ses conférences. On parlait de la théorie de l’évolution, et j’avais fait l’erreur de dénigrer l’une de ses théories, quelque chose à propos de mutations survenant plus fréquemment dans les populations qui souffraient d’une diminution radicale de leur effectif. Je pensais qu’il était ridicule de croire qu’une population d’organismes possédait une sorte d’inconscient collectif, qui pouvait réagir à des menaces avec un raisonnement gestalt séparé du reste.
 
Capitaine Gentry :

    Un « raisonnement gestalt » ? Soldat, je vous félicite pour votre vocabulaire, mais vous venez d’utiliser des mots bien compliqués pour décrire le concept de cérébrat zerg qui est connu depuis longtemps. Cela n’a vraiment rien de nouveau.
 
Soldat Ayers :

    Désolée, doc, mais je crois que vous ne comprenez pas. Ce n’est pas la théorie que proposait mon père. Il disait qu’une population distincte d’individus à l’intérieur d’une même espèce pouvait connaître une augmentation de la fréquence des mutations de ses descendants à cause d’une diminution drastique de son nombre. Cela suppose l’existence d’une sorte de communication biochimique au niveau génétique pour toutes les espèces. Même chez mes fichues mouches à vinaigre.

Capitaine Gentry :

    Donc... Vous dites qu’un groupe isolé peut muter pour s’adapter à des situations inattendues. C’est l’histoire de la nature qui s’en va par la porte de derrière avec votre portefeuille, c’est ça ?
 
Soldat Ayers :

    Vous chauffez.

    Je pensais que sa théorie était stupide. Elle ne suivait aucune formule, aucun algorithme et aucun modèle prévisible. Généralement, la science, c’est comme un pistolet, non ? Vous le chargez, vous appuyez sur la détente, et il tire une balle. Une fois que vous avez compris le mécanisme, vous pouvez prédire le résultat à chaque fois. Pourquoi est-ce que vous croyez que je me suis engagé chez les marines ? J’veux dire, en dehors du conflit avec mon cher papa. On tire au fusil ; on répare les trous qu’ils font ; et on gagne la bataille. C’est simple, propre et efficace. Mon père détestait ma soif de simplicité, cet univers en noir et blanc irréaliste qu’il appelait « une utopie binaire stupide ».

    « Maren, disait-il, quelquefois A plus B n’est pas égal à C. Quelquefois, c’est égal à M ou à 42 ; et quelquefois la réponse prend la forme d’un mémoire. Il faut que tu acceptes le fait que les questions les plus importantes ont trop de facettes pour que tu puisses les compter. Il faut faire un pas en arrière et se satisfaire d’une vision générale un peu confuse. »

    Il a refusé de valider mon semestre en dépit de mes notes parfaites aux examens. Il disait que je n’avais pas compris la chose la plus importante.
 
Capitaine Gentry :

    Alors Cask vous a fait repenser aux théories de votre père ?
 
Soldat Ayers :

    Ouais. Et ça me fait mal de l’avouer. C’est peut-être parce qu’on m’a laissé en rade sur un caillou désertique, entouré de cafards homicides, et forcée de manger de la moisissure alien. J’ai finalement réussi à choper la vision globale. Papa serait si fier de sa petite fille.

    D’abord, pourquoi des aliens apparemment intelligents et capables de voyager dans l’espace enverraient délibérément et systématiquement leurs troupes contre une cible imprenable ? Cask n’était pas une position stratégique importante. Pas plus que Sorona, d’ailleurs.

    Je n’avais pas eu le temps d’approfondir mes études en xénobiologie. J’avais fichu le camp de l’université et avais échappé au regard de mon père avant que la physiologie zerg soit réellement enseignée au niveau scolastique. D’après ce que je suis arrivée à comprendre peu à peu, à partir des vidéos censurées du camp d’entraînement, le Maître-esprit utilise une forme d’ADN adaptatif pour incorporer à sa propre palette de mutation des séquences génétiques utiles venant d’organismes distincts et non apparentés. À côté de ça, mon codage de gènes sur les mouches à vinaigre ressemblait à un jeu d’enfant.

    Mais si la conscience qui contrôlait cette population avait identifié un dilemme unique dans cet obstacle terran sur Sorona ? Et si la théorie de mon père était exacte ? Et si la relation inverse entre le taux de survie d’une population et les mutations aléatoires était un concept qui n’était pas seulement compris par cette conscience, mais aussi utilisée pour surmonter des obstacles quand toutes les autres tactiques avaient échoué ? Est-ce que notre résistance désespérée fournissait à l’ennemi un magnifique terrain d’essai ?
 
Capitaine Gentry :

    Je suis impressionné, soldat. Je ne peux pas entrer dans les détails, mais votre analyse sur le terrain correspond à un grand nombre de données que notre équipe tactique a traitées. Quelle fut votre conclusion ?
 
Soldat Ayers :

    Il fallait que je sache. Que je sache si nous étions utilisés, si nous aidions les Zergs en jouant un rôle dans une stratégie de mutation forcée. Nous devions trouver la ruche responsable de la production de cette population de xénos. Nous devions absolument la détruire.

    Le lieutenant m’a ri au nez. J’ai essayé de lui expliquer la situation une nouvelle fois, mais il m’a interrompue. Cette fois, son visage était sévère. Il m’a répondu qu’il n’avait aucune idée du temps pendant lequel nous serions coincés sur ce caillou, et que par la grâce d’un dieu inconnu qui prenait soin des marines athées, il avait trouvé un moyen de garder sa section en vie au milieu d’un nid de Zergs. Il allait se contenter de serrer les fesses et d’attendre la cavalerie. « Laissez la science aux scientifiques, soldat. »

    Ça m’a fait mal. Croyez-le ou non, ça m’a fait mal. Ça faisait des années que j’essayais de prendre mes distances d’avec mon père et son monde de vicissitudes intellectuelles, et là, je voulais terriblement que l’on me comprenne. Qu’on comprenne cette perspective. J’étais littéralement coincée au centre de ce qui était potentiellement la prochaine étape évolutive d’une espèce entière, et je n’avais pas les outils, la formation et l’assistance pour y changer quoi que ce soit.
 
Capitaine Gentry
:

    Et qu’est-ce que vous avez fait ?
 
Soldat Ayers :

    J’ai fait ce que j’ai pu. J’ai attendu que l’attaque suivante soit dézinguée, et j’ai escaladé la barricade.
 
Capitaine Gentry :

    Pour faire un peu de recherche expérimentale ?
 
Soldat Ayers :

    Exactement.

    Les autres marines se sont tous mis à crier, et j’ai entendu le soldat Delme appeler le lieutenant. Lui dire un truc du genre « y’a encore un toubib qui va se suicider », et j’ai souri devant sa sympathique inquiétude. D’abord, si les Zergs respectaient leur tactique habituelle, leur prochaine attaque n’aurait pas lieu avant le lendemain matin au mieux.

    Le lieutenant avait rejoint le haut du rempart et me criait dessus au moment où j’ai sauté sur le sable. Je l’ai ignoré et j’ai commencé à travailler, et à récupérer des échantillons sur les carcasses. Les lasers chirurgicaux atténués de mon armure faisaient le boulot rapidement, et je gardais mon C-7 prêt à tirer au cas où les zerglings ne seraient pas aussi morts que prévu.

    J’ai fini par rassembler un bon nombre d’échantillons... Le lieutenant Orran avait fait ouvrir les portes et se tenait juste derrière, furieux.

    Et qu’est-ce qu’il allait faire ? Fusiller le dernier médic de la planète ? Il m’a hurlé dessus pendant une bonne heure, et il m’a mis aux arrêts dans mes quartiers. Au moment où ma porte s’est refermée, je me suis mis au boulot, et j’ai transformé la pièce en laboratoire improvisé. La majeure partie de l’équipement dont j’avais besoin pouvait se bricoler à partir des instruments de mon armure, et moins d’une heure plus tard, je faisais des analyses comparatives sur la chair de nos attaquants.
 
Capitaine Gentry :

    Vous avez construit un laboratoire à partir de votre armure ? Vous m’impressionnez encore, soldat.
 
Soldat Ayers :

    Vous autres, les galonnés, vous pensez toujours que les bidasses ne sont qu’une bande de singes décervelés, hein ? Vous ne vous attendiez pas vraiment à ce qu’on comprenne ce qui se passait ?
 
Capitaine Gentry :

    « Ce qui se passait » ? Je ne vois pas ce que vous voulez dire, soldat, mais je vous suggère de continuer votre rapport.

Soldat Ayers :

    Mouais... Le laboratoire n’avait rien de sophistiqué. Il permettait juste de faire quelques tests de base. Ça ne m’a pas pris longtemps pour trouver la mutation, même si mes connaissances étaient bien rouillées. Vous savez, bien sûr, que toute la difficulté de la chirurgie de transplantation réside dans le combat du corps de l’hôte, qui rejette la nouvelle chair étrangère ? Eh bien, imaginez la réaction si les nouvelles cellules viennent d’une espèce totalement différente.

    Le tissu conjonctif des zerglings, cette matière coriace et résistante qui relie l’exosquelette cuirassé aux tissus musculaires, était couvert de vésicules. Tous les échantillons que j’avais récupérés montraient des degrés divers de tumescence et d’agitation provoquée par les pustules bulbeuses qui les recouvraient.

    La découverte suivante me prit complètement par surprise. La chair boursouflée avait une odeur poivrée unique. Une odeur à laquelle je m’étais habitué lors de tous mes repas, depuis que nous étions arrivés sur Sorona.
 
Capitaine Gentry :

    La même odeur que la...
 
Soldat Ayers :

    La raison pour laquelle les Zergs voulaient absorber une moisissure locale dans leur pot-pourri de caractéristiques génétiques me dépassait complètement.

    Peut-être que ce n’était pas délibéré. Une infection alien provoquée par une sorte... d’algue insidieuse ? Ha ! Je doutais que quoi que ce soit puisse traverser les bio-défenses de ces monstres, mais tout était possible. J’ai décidé de disséquer l’une des vésicules les plus petites, un spécimen d’un vert sale, de la taille d’un ongle. J’ai chargé le laser médical et j’ai fait une petite incision.
 
Capitaine Gentry :

    Et ?
 
Soldat Ayers :

    Et je me suis réveillée deux heures plus tard à l’infirmerie avec la peau qui me brûlait. Le lieutenant Orran se tenait au-dessus de mon brancard, fou d’inquiétude. Il m’a raconté que le bruit d’explosion de la grenade l’avait fait accourir, et qu’il m’avait trouvée sous un mur effondré, dans la pièce d’à côté. C’est alors que j’ai baissé les yeux et que j’ai vu les restes de mon armure. Tout le côté droit ressemblait à une bougie qu’on aurait exposée à une flamme : les plaques blindées avaient fondu et fusionné. Et le lieutenant ajoutait que la prochaine fois que je voudrais me faire sauter le caisson, je ferais mieux de retirer d’abord mon armure. Oui, c’est un vrai petit rigolo.

    Je lui ai demandé de me conduire jusque dans mes quartiers. Soit le lieutenant Orran a eu pitié de moi, soit il en avait juste marre de me contredire, car il s’est baissé pour mettre sa tête sous mon bras, et il m’a à moitié tirée, à moitié portée là-bas depuis l’infirmerie. Ma chambre avait été rasée, les murs renversés dans toutes les directions. J’avais de la chance d’avoir survécu.

    J’ai dit au lieutenant : « Ce n’était pas une grenade. C’était une vésicule. »

    Il s’est mis à rire, convaincu que j’étais devenu complètement folle. Je lui ai demandé de m’expliquer comment j’aurais pu trouver une grenade d’acide dans mes quartiers. Il supposait que je l’avais bricolée à partir d’éléments de mon armure. Ils avaient trouvé des morceaux de mon laboratoire de fortune éparpillés dans les débris. Je ne pouvais pas lui en vouloir, vous savez. Qui aurait cru mon histoire de pustules vicieuses d’alien ?

    À la fin, j’ai été cantonnée dans une autre chambre, avec le soldat Delme qui me surveillait constamment. Ma peau cloquait, craquait et puis a commencé à peler ; vous pouvez voir encore les marques sur ma main, là. J’ai parlé à Delme de ce que je craignais, de la nécessité de transmettre tout ce qui se passait ici. Je lui ai dit qu’un rapport sur une nouvelle mutation zerg obligerait peut-être quelqu’un à nous écouter.

    Elle se contentait de hocher la tête, de sourire, puis se concentrait sur le nettoyage de son arme de poing. Delme a dû nettoyer ce truc stupide une bonne douzaine de fois pendant les jours suivants.
 
Capitaine Gentry :

    Et pendant ce temps, votre section était toujours attaquée quotidiennement par les Zergs, correct ?
 
Soldat Ayers :

    Les Zergs ? Oh non. Ils ne venaient plus.
 
Capitaine Gentry :

    Ils ne venaient plus ?
 
Soldat Ayers :

    Non, mon capitaine. Il y a eu un dernier assaut le matin suivant mon accident, et puis plus rien. Delme me disait que tout le monde était prudemment optimiste, et même moi je me suis mis à espérer. Peut-être que tout cela était une sorte d’infection miraculeuse qui avait boursouflé les Zergs et avait fini par les vaincre. Est-ce qu’on devait la vie à une moisissure de Sorona ?

    Le lieutenant Orran s’est calmé quelques jours plus tard, et m’a laissé sortir de mon confinement. Je ne sais pas qui était la plus soulagée, moi ou le soldat Delme. Une autre semaine s’est passée sans incident, et le lieutenant a décidé de prendre un risque, et d’envoyer un groupe en reconnaissance. Il a choisi trois marines dans une forêt de mains levées ; on se sentait tous pas mal claustrophobes après avoir passé autant de temps dans ce foutu Goulot.

    J’ai récupéré quelques outils, et je me suis mis à réparer ma pauvre armure fondue. J’ai réussi à suffisamment libérer les articulations des jambes pour pouvoir à nouveau porter cette horreur. Zergs ou non, je me sentais bien mieux en me baladant à nouveau dans ma CMC modifiée. Je n’étais plus cette cinglée qui jouait les scientifiques. J’étais un médic du Dominion, bordel. La théorie de mon père sur la nature qui se comporte comme un habile pickpocket avait explosé en plein vol sous les coups d’une moisissure infectieuse.
 
Capitaine Gentry :

    Oui, oui. Et qu’est-ce que les éclaireurs ont trouvé ?
 
Soldat Ayers :

    On était tous très curieux quand ils sont revenus, et les pékins se sont ramenés aussi, espérant entendre que les attaques étaient finies pour de bon. Le lieutenant Orran a décidé de ne pas suivre le protocole et d’entendre leur rapport devant toute la foule.

    Orran a demandé au groupe s’ils avaient rencontré des éléments hostiles. Les trois marines se sont contentés de se regarder et ont souri. Le soldat Godard s’est même mis à rire. Ils ont dit qu’ils avaient trouvé une vallée entière pleine de zergs malades, en train de mourir. Ils affirmaient que les créatures étaient boursouflées par la maladie, léthargiques.

    Le soldat Evans a dit qu’ils avaient passé l’après-midi à vider leurs chargeurs sur « ces pauvres bêtes ».

    Les civils ont commencé à pousser des hourras, et le lieutenant souriait de toutes ses dents. C’était la première fois depuis longtemps que les parois de ce canyon renvoyaient des échos de quelque chose qui ressemblait à de l’espoir. Mais une chose que le marine avait dite m’avait frappé. C’était bizarre... Peut-être que j’avais mal entendu. J’ai dû crier pour couvrir le bruit.

    Je lui ai demandé s’ils avaient vraiment vidé tous leurs chargeurs. Je lui ai demandé combien de ces zerglings malades ils avaient vu. Evans a ricané et a haussé les épaules. Il a répondu qu’il ne savait pas trop, mais que la vallée en était pleine.

    Je me suis senti glacée tout d’un coup. Ça n’allait pas. Ça n’allait pas du tout. Une maladie infectieuse aurait provoqué une diminution de la reproduction dans une population, pas une augmentation. Les Zergs n’étaient pas en train de mourir. Les Zergs avaient trouvé leur mutation. Une nouvelle variété était en train de se multiplier, et le bouchon du Goulot allait sauter.

    J’ai fait demi-tour et j’ai couru. Le lieutenant Orran m’a appelé, troublé par ma réaction. Il fallait que j’arrive à la station comm’, je devais essayer de transmettre un message. Je ne sais pas combien de temps j’ai couru, mais je suis parvenu à rejoindre la station à peu près au moment où les premières explosions ont retenti dans Cask.

    (Une autre longue pause).

Capitaine Gentry :

    Soldat ?
 
Soldat Ayers :

    Le reste, vous le savez, ou tout du moins, presque tout. Vous avez entendu mon message. Vous êtes venus. Avec la bonne motivation, vous êtes arrivés avec une flotte entière de cuirassés en seulement quatre jours. Quatre jours, bordel ! Bande de monstres, vous avez écouté cette colonie en train de mourir pendant des mois et vous n’avez pas levé le petit doigt jusqu’à ce que nous ayons de précieuses informations militaires pour vous !
 
Capitaine Gentry :

    Je vous demande une nouvelle fois de terminer votre rapport, soldat. Vous vous aventurez sur un terrain dangereux.
 
Soldat Ayers :

    Le reste de mon rapport ? Vous voulez savoir ce qui s’est passé pendant ces quatre jours ? J’ai vu un rempart que nous avions défendu pendant six mois se dissoudre sous des vagues incessantes d’acide. J’ai vu une section de marines donner leur vie un par un, pour tenter d’arrêter cette horde sans fin de xénos verts boursouflés qui se rapprochaient, centimètre après centimètre, avec chaque détonation. J’ai vu les dernières lueurs d’espoir disparaître des yeux de ces marines quand la nouvelle génération de zerglings explosifs est arrivée. Des créatures qui avaient gagné la capacité de se rouler en boule pour se projeter sur le sol bien plus vite qu’un marine armé peut courir.

    Et enfin... enfin... j’ai vu une colonie de civils mourir, hurlant au ralenti alors que cette nouvelle variété de Zergs détruisait Cask morceau par morceau, les explosions se succédant sans cesse dans le Goulot.
 
Capitaine Gentry :

    C’est votre rapport ?
 
Soldat Ayers :

    C’est mon rapport. Oui, je sais que j’ai radoté et que je ne vous ai pas témoigné le respect dû à un officier supérieur. Je sais aussi que je ne verrai jamais la fin de ce vol, que vous êtes juste le premier et le plus aimable des interrogateurs du Dominion qui va me rendre visite. Je le sais depuis que vous m’avez ramené à bord avec le lieutenant Orran. Il ne reverra pas la lumière du jour non plus, hein ?
 
Capitaine Gentry :

    Si vous avez fini, soldat, je vais vous faire escorter jusqu’à...
 
Soldat Ayers
:

    Ah mais non, je n’ai pas fini. Peut-être que vous avez écouté assez attentivement mon rapport pour savoir ce qu’est ce truc-là.

    (Cri de surprise et bruit d’une chaise qui racle le sol).

    Ouais, j’ai rapporté un échantillon pour vos labos, doc. Il est vachement plus gros que mon ongle, hein ?

    Asseyez-vous, asseyez-vous, mon capitaine. Si vous vous levez à nouveau, je fais sauter cette pièce et lui fais traverser cette saloperie de coque. J’ai failli ne pas survivre à une explosion alors que je portais une armure complète, et cette pustule mesurait moins de la moitié de celle-ci. C’est ça... Ne bougez pas.

    Vous étiez si anxieux d’avoir mon rapport ; vous auriez peut-être dû d’abord me faire sortir de mon armure complètement déglinguée, hein ? Ou au moins, fouiller mon stock de flacons pour trouver des matières étrangères, ou peut-être désactiver mes petits lasers ? Une imbécile de médic d’infanterie ne risquerait jamais de devenir violente, et ne soupçonnerait jamais...
 
Capitaine Gentry :

    (Murmurant dans son micro-cravate) Ici Gentry : j’ai besoin d’une équipe de sécurité dans la salle d’interrogation 7E. Tout de suite.
 
Soldat Ayers :

    Oh oui, allez-y, appelez la sécurité. Ça ne prendra pas longtemps.

    Je sais que vous avez entendu tous nos appels, bande de salauds. Que vous avez écouté tout du long. Je sais que vous vouliez savoir comment une population civile pouvait résister à une incursion zerg. Et je sais que vous vouliez voir comment la célèbre adaptabilité zerg allait réagir devant un problème insurmontable. Je pouvais voir l’excitation dans vos yeux quand je vous donnais ces nouvelles infos, espèce de sale fumier meurtrier. Eh bien, j’ai de mauvaises nouvelles pour vous.

    J’ai vu quelque chose d’autre, durant ces quatre jours. J’ai vu les Zergs faire retraite une fois le Goulot détruit et la colonie massacrée. Le lieutenant et moi avons vu les créatures faire demi-tour et ramper hors des ruines fumantes de Cask. On les a vus depuis notre cachette dans la falaise, là où vous nous avez trouvés... Ils sont partis parce que leur expérience était terminée. Elle avait réussi.

    Vous croyez que vous faisiez des expériences sur eux ? Ce sont eux qui faisaient des expériences sur eux-mêmes. C’est comme ça qu’ils grandissent, comme ça qu’ils deviennent plus forts.

    Et durant les dernières vingt-quatre, avant que votre flotte n’arrive, on a entendu les immenses canons à spores qu’ils avaient fait pousser dans les chaînes de montagne environnantes. Des canons qui auraient pu bombarder Cask à n’importe quel moment, c’est clair. Mais cela aurait fait rater l’expérience. Non, ces canons balançaient des spores dans l’espace. Et sans aucun doute sur des trajectoires menant à d’autres planètes zergs. Ils partageaient ce qu’ils avaient appris avec le reste de l’Essaim. Je sais que cela fait des années que personne n’a vu une activité zerg dans l’espace terran. Mais j’espère que vous vous êtes bien préparés pour la prochaine rencontre. Les Zergs arrivent. Les Zergs sont la nature dans toute sa fureur.

    Vous continuez à enregistrer ? Parfait.

    Papa avait raison, docteur. La nature ne fait pas que s’adapter. La nature triche, elle change les règles, et elle se tire par la porte de derrière avec votre portefeuille pendant que vous êtes encore en train d’essayer de comprendre ce qui s’est passé. Maintenant, arrêtez votre enregistrement et levez-vous.

    (L’enregistrement enregistre une longue pause, un hoquet et une explosion humide. Puis on n’entend plus que des parasites).

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